Dictée 2012

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A la rencontre d’Adeline YZAC et de son roman :

La toute pleine de grâce

Adeline Yzac est née dans un petit village du Périgord noir, en Aquitaine. Elle raconte :

« Je suis née dans un lieu-dit du bout du monde, dans un ourlet secret aussi reculé qu’un creux de page froissée, à une enjambée de Lascaux. En ce pays, j’ai vécu vingt ans parmi les «gens de peu», les gens de l’ordinaire, je suis d’un peuple de cultivateurs et de diseurs. Et puis, naquirent en ces terres les troubadours, Montaigne, La Boétie, Brantôme, Fénelon. J’ai gardé des chasseurs certain goût pour le braconnage, le silence et l’affût ; et des écrivains la joie de l’étude immobile et assidue. J’aime me tenir à l’écart du monde, arrêtée dans ma maison d’écriture et laisser venir les épices, les tragédies et les merveilles.
Les récits frappent à ma porte, ce sont des voyageurs qui viennent de loin, de forêts secrètes, d’estuaires remontés à rebrousse-marées, ils vont vêtus d’énigmes et d’odeurs du monde, ils ont soif et faim de la langue, je les accueille, je les écoute, je les nourris, je les écris….
 »
 
Nul doute que son amour de la « belle langue » ne nous réserve quelques surprises !


Déroulement de la soirée
- La dictée, composée par l’auteur, puis corrigée ensemble dans la bonne humeur et sans complexe ; un quiz sur le roman choisi ci-dessus.
Les trois meilleurs résultats ont reçu des livres dédicacés par l’auteur.
 - Echanges avec notre écrivaine suivi d'un buffet froid pour terminer la soirée.

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  LA DICTEE :

Ah, son jardin, Monsieur Anselme-Marie de Bernis, né comte de la Vistre, adulait son jardin bien plus qu’il n’encensait la guerre, les raouts et les femmes.  Monsieur de Bernis, était homme accort, un vive-la-joie qui honnissait les mommeries, les drogueries et les venimeuses douceurs. Monsieur le Comte goûtait les causeries, les devis et autres « confabulations privées qu’il partageait dans de longues promenades en son jardin, lequel succédait à sa gentilhommière. Ledit jardin, de cent toises de long et de cinquante toises de large, sis sur une cime, établi au secret entre de hautes maisières, se composait d’un potager, d’un jardin de simples, d’un verger, d’un herbis, d’un bosquet, d’un jardin floral que fréquentaient nombre de points d’eau, puits, bassin, lac, vivier, lavoir.
Certain jour, Monsieur de Bernis me convia à une flânerie.
-          Le temps s’abeausit, me dit-il, nous jouirons à notre aise de l’azurement des lointains.
Le ciel était d’un bleu concolore. Monsieur de Bernis prit une tortillère, un sentier salébreux qui s’enfonça sous des cornouillers, de petits chênes, des ailantes et des aubiers tout en devisant joyeusement. Nous débouchâmes aux abords du maise.
-          Voyez donc comme tout est vastité, entendez comme tout est accoissement. Et ce bel ha ha…
Sauf le chant des oiseaux et le refrain d’une fontaine proche, pas un bruit.
De prime abordade, le potager me plut.
-          Ici les giraumons et les citrouilles, les crosnes et la pimprenelle, l’anserine bon-henri et les cardouilles, la claytone de Cuba et le crambé maritime…
Ah, la belle chanson que tous ces noms, et comme cela sentait bon.
Nous allâmes d’absconsements en cachettes et gagnâmes une treille où nous allebotâmes comme des allouvis que nous n’étions certes pas. Le raisin, zinzolin et nacarat, sucré à merveille, était savoureux.
-          Notre jardinier a eu raison du ver-coquin cette année, d’où une telle profusion.
Nous restâmes un long temps assis chacun sur une pelle-à-cul mise tout exprès pour notre repos. Nous demeurâmes à clampiner et à rêver puis Monsieur de Bernis me poussa vers les ruches que je consultais de loin.
-          Entendez ces dames qui s’activent à l’abeilline liqueur, me souffla le comte.
Lorsque nous réapparûmes hors le jardin, Monsieur de Bernis et moi-même étions hardiment testouillés et tartouillés de pied en cap, on eût dit que nous n’avions point ni habilleur ni testonneur ni parfumeur.
Pour finir, Monsieur de Bernis m’offrit de boire de bon amendé dans l’Orangeraie tandis que lui s’offrit un verre d’aluine.
Je songeais qu’il est bon de vivre en roger-bontemps.